Le huitième jour… c’est aujourd’hui !

Ce dimanche, nous sommes le 8e jour de la fête de Pâques, car celle-ci ne finit pas quand tous les œufs sont récoltés, mais elle dure huit jours (et même cinquante, puisque le temps pascal court jusqu’à la fête du 50e jour, la Pentecôte) !
Ce dimanche, l’évangile qui nous est proposé nous raconte deux apparitions de Jésus : la première prend place au soir de la résurrection, la seconde huit jours plus tard… donc aujourd’hui.
Le fil rouge de ces deux apparitions du ressuscité, c’est Thomas, apôtre bien connu : son nom est entré dans le langage commun, « je suis comme Saint Thomas… »

1. Cet évangile donne le tempo de nos rencontres communautaires : nous nous retrouvons (habituellement) tous les dimanches, lendemain du Sabbat des Juifs, premier jour de la semaine des Chrétiens. Ce tempo, ce rythme s’enracine dans l’expérience des premières communautés chrétiennes. Saint Luc indiquera que les disciples se réunissent le « premier jour de la semaine pour rompre le pain » (Cf. Actes, 20, 7)
Aujourd’hui, Saint Jean nous rappelle les deux rencontres du ressuscité avec ses disciples, au Cénacle, à huit jours de distance : ce rythme est donc calqué sur ces apparitions.
Le sens de notre rassemblement hebdomadaire, ce n’est donc pas d’abord un commandement de Dieu (« Sanctifier le jour du Seigneur ») ou de l’Église, c’est le jour des apparitions du Ressuscité qui en font un jour particulier (dominica dies), le Jour du Seigneur.

Ce rythme est important aussi parce qu’il permet un approfondissement, une confirmation de ce qui a été vécu par les disciples le « dimanche » précédent.

2. Remarquons que les disciples sont confinés eux aussi, non par crainte d’une contamination par le Covid-19, mais par crainte de l’extension de la persécution. N’oublions pas que Jésus vient d’être crucifié : les disciples ont des raisons de craindre eux aussi pour leur vie… et l’Esprit Saint n’est pas encore venu sur eux pour les galvaniser, les envoyer porter la Bonne Nouvelle.

La première parole de Jésus ressuscité aux disciples : « la paix soit avec vous ». On peut la comprendre dans la ligne des mots adressés aux femmes venues au tombeau (chez Mathieu) : « soyez sans crainte ! ». La Paix qu’apporte le ressuscité est l’antidote à la crainte qui les « cloue » dans leur confinement.

Cette première parole est suivie immédiatement d’un premier geste : il souffle sur eux et leur dit « recevez l’Esprit Saint ». Si Luc situe le don de l’Esprit à l’Église au 50e jour (la Pentecôte), Jean le situe sur la croix (« Jésus, inclinant la tête, remit l’esprit »), avec une « application » à la communauté des disciples au soir de Pâques. Leur mission sera de « remettre les péchés » (ou pas) : Jésus leur confie la tâche de réconcilier avec Dieu, de délier du Mal (comme lui-même l’a fait lors des diverses guérisons).


3. Thomas : il est sans doute l’apôtre le mieux connu, le plus cité, et pas seulement par les chrétiens ! Combien de fois n’avons nous pas entendu : « je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ! » ? On en a fait, un peu malgré lui le saint patron des incrédules auquel on se réfère volontiers.

En fait, Thomas répond à une question des chrétiens des siècles qui ont suivi : « n’était-il pas plus facile de croire pour les disciples qui ont vécu avec Jésus, l’ont vu ressuscité, que pour nous qui devons nous appuyer sur la parole des premiers témoins (aujourd’hui disparus!) ? »

Une réponse « naturelle » pourrait être « OUI » puisqu’ils l’ont vu de leurs yeux, il leur est apparu « en chair et en os » (cf. Luc, 24, 39-42).

Mais la réponse de Jean (et des autres évangélistes) est « NON ». Regardez Thomas (ou encore Cléophas et son compagnon, sur la route d’Emmaüs – Luc, 24).

Sans doute, tel Simon de Cyrène, Thomas se retrouve à porter sur lui la croix de tous les doutes, le scepticisme, la soif de preuves des hommes et des femmes d’hier, aujourd’hui et demain.

C’est peut-être pour cela que Thomas ou Didyme signifie « jumeau ». Thomas n’est-il pas mon « clone » (ou plutôt, ne suis-je pas comme un « clone » de Thomas) ? Sur mon chemin de foi, comme lui, je rencontre le doute, les questions… elles peuvent stopper mon élan. Thomas m’invite à les dépasser comme lui a pu le faire.

Car Thomas ne fait pas seulement « profession de doute », mais il passe subitement à une vraie et belle « profession de foi ». Certes, il a eu la chance de voir Jésus vivant, de constater ses plaies, cicatrices de sa Passion et de sa mort sur la croix. Il a pu s’assurer que ce ressuscité n’était pas un imposteur, un sosie de son Maître. Mais Thomas dépasse largement le simple constat : en s’exclamant « Mon Seigneur et mon Dieu » il proclame la foi la plus pure, la plus profonde. Cet ami avec qui il a cheminé, il est Dieu ! Réponse en quelque sorte aux affirmations de Jésus (notamment Jean 8, 58) qui affirme « JE SUIS » (εγϖ ειμι = traduction dans la Bible grecque du tétragramme sacré des hébreux, « Yahvé » le nom de Dieu).

Enfin Thomas va susciter dans la bouche de Jésus la dernière béatitude des évangiles : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu »

Le chapitre s’achève par l’épilogue de l’évangile de Jean (beaucoup s’accordent pour considérer le chapitre 21 comme un « ajout » au texte initial).

En terminant son récit, l’évangéliste nous dit que tous ces signes, ces paroles et ces histoires qui tissent son évangile, sont là pour nous aider à croire. Et cette foi nous amène çà partager la Vie en son Nom. La foi est donc un essentiel, pour nous chrétiens : une question de vie et de mort, de vie plus forte que la mort !

Je termine par une question. Si Thomas a pu émerger des doutes qui le paralysaient, c’est parce qu’il a laissé Jésus lui parler. Allons-nous, nous aussi, lui laisser la parole dans nos vies ? Laissons-nous sa Parole nous transformer, nous aider à dépasser nos blocages sur le chemin de la foi, de la vie avec Dieu ? Ne laissons pas passer ce dimanche sans nous « positionner » face à Lui. Nous ne pouvons pas nous réunir avec les autres croyants pour le moment… mais Jésus nous rejoint aussi par sa Parole lue, méditée, priée : laissons-lui la place, ne manquons pas le rendez-vous qu’il nous donne maintenant ! Amen.

Jean-Pierre Leroy

(à l’origine, cette homélie devait être prononcée devant l’Église protestante d’Aywaille où j’avais été invité par le Pasteur et le Synode. Comme le culte est diffusé en vidéo par internet, vous pouvez retrouver mon homélie « en live » via la page facebook de l’Église : « Centre MLK – Eglise Protestante D’aywaille ». Le texte ci-dessus reprend l’esprit, mais non la lettre de l’homélie telle qu’elle a été enregistrée !)

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