(homélie de ce 5 avril)
Quand ils voient la foule acclamer Jésus, les Juifs de Jérusalem se demandent « qui est cet homme ? ». Et la réponse fuse : « c’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée »
Cette réponse est juste, il est vrai, mais incomplète ! Si elle décline bien l’identité de cet homme qui entre à Jérusalem sur un ânon, elle ne rend pas compte de notre foi… laquelle ne se retrouvera que dans la bouche du centurion, quand Jésus aura rendu son dernier souffle.
Ce cheminement me fait penser à celui des évangiles lus les trois derniers dimanches : la Samaritaine, l’aveugle-né et Lazare. Eux aussi font du chemin avant de (re)connaître enfin, en Jésus : « le sauveur du monde » (les Samaritains), « le Fils de l’Homme » (l’aveugle-né) et le « Christ, le Fils de Dieu » (Marthe, sœur de Lazare).
La différence, c’est que , cette fois, ce ne sont plus des juifs qui reconnaissent Jésus, mais des païens, de surcroît membres de l’armée qui occupe la Palestine… des Romains !
C’est eux qui vont donner la « bonne « vraie » réponse : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu ! »
Sur la croix, Jésus n’a pas versé son sang pour sauver un petit peuple, une poignée d’humains, mais pour les hommes, les femmes, les enfants du monde entier. Son salut a une portée universelle : grecs et juifs, esclaves et hommes livres, riches et pauvres, hommes et femmes, noirs et blancs… tout cela n’a plus d’importance, comme l’écrira Paul. La première manifestation du Salut, son premier fruit, c’est qu’il est donné « pour le salut du monde entier, de l’humanité tout entière » !
Et venant de Saint Mathieu, un juif qui écrit son évangile pour des communautés d’origine juive, c’est un signe fort qui nous est donné.
Alors, on a raison de regretter, de stigmatiser, même, tous les replis sur soi :
– ceux du peuple juif, au temps de la passion de Jésus
– ceux des chrétiens, quand l’histoire les a connus repliés sur eux-mêmes
– ceux des gouvernants et des peuples, aujourd’hui, en Europe ou sur les autres continents, qui mettent leur peuple, leur nation en premier, avant toute autre préoccupation !
La passion de Jésus veut nous laisser tomber les œillères, pour nous ouvrir au monde entier, à l’humanité dans son ensemble.
Elle nous rappelle que le salut commence là où l’on se tend la main, au-delà de toute frontière, de tout clivage, de toute différence !
D’ailleurs, lors d ela passion, nous contemplons Jésus sur la croix : ses bras largement étendus nous disent qu’il est venu embrasser le monde entier. La Passion de Dieu, hier, aujourd’hui et toujours, c’est bien l’homme vivant, en communion avec ses semblables, solidaire, « universel ».
Dans ce projet, on peut dire que Dieu a « mis le paquet ».
Et nous, ce temps qui nous est donné nous invite à nous positionner : allons-nous seulement « toucher du bout des doigts » (comme dans une distanciation sanitaire?), opiner du chef devant ce beau projet divin… ou allons-nous répondre à l’appel à sortir aux périphéries, là où Dieu lui-même s’est mouillé, jusqu’à être cloué sur la croix !?
Ces jours insolites que nous vivons (sans l’avoir choisi) nous confinent au « cœur de nos vies » : notre cocon familial, notre appartement, notre chambre, notre « chez nous ». Dieu est là aussi, « au cœur de nos vies » comme nous l’avons chanté si souvent : ‘c’est lui qui nous fait vivre’, « bien vivant ô Jésus Christ ‘…
Ces jours vont-ils nous rendre définitivement indifférents, voire méfiants à l’égard du monde, de « l’extérieur » où se trouve le danger…
Ou vont-ils exciter en nous l’envie irrépressible d’aller au dehors, de sortir… comme le pape François nous y invite si souvent.
A la fin de ce récit que nous lisons aujourd’hui, Jésus, mort sur la croix, est « confiné » dans le tombeau. Point final pour les chefs des Juifs qui le font garder par des hommes en armes (nous n’en sommes pas -encore- tout à fait là).
Mais ce confinement n’est pas la fin de l’histoire : vienne le matin de Pâques et Jésus surgira, vivant, de son tombeau. Oui, il viendra ce matin, qu’il nous trouve éveillés, ressuscités nous aussi pour partager le salut avec le monde entier !